Cris

Cris est une plongée dans les tranchées de la Première Guerre mondiale, dans ces nuits de terreur et de boue. C’est la voix des hommes en souffrance qui se fait entendre.
Celle de Jules, permissionnaire, qui quitte le front mais reste hanté par des visions de cauchemar et cherche le moyen de témoigner de ce qu'il a vécu. Celle de Marius, qui décide d'abandonner son poste pour partir à la poursuite de l'homme-cochon, cet être fou qui déambule, jour et nuit, entre les lignes en hurlant à tue-tête. Celle du lieutenant Rénier et de ses hommes, enfin, qui montent pour la première fois au front et vont connaître le sacrifice.

A travers cette multitude de trajectoires, c’est un chant de douleur et de fraternité qui éclate. Il n'y a pas de héros dans Cris. La guerre est là, dans toute son horreur, vu du côté de ceux qui meurent plutôt que de ceux qui survivent. Les hommes n’ont même plus peur. A l’approche de la mort, ils restent tête droite, n'entendent plus les obus, recherchent, pour briser leur solitude, des brefs et derniers instants de fraternité. L'écriture est nerveuse, extrêmement charpentée, plusieurs fables s'entremêlent. Elle offre, par sa densité, de belles partitions pour de jeunes acteurs venus de Rennes, de Belgique. Stanislas Nordey organise sur le mode choral la représentation, avec ses airs et ses ensembles. On assiste à une sorte d'oratorio. Des voix d'opéra jaillissent. Sous des batteries de projecteurs étagées sur les trois côtés de la boîte scénique, sur de simples praticables de contreplaqué, les comédiens imposent avec force leurs personnages qui s'expriment au pur présent de la peur et du désastre. De cette rigueur, de cette âpreté, naît une grâce. Cris est une œuvre grave, dont on ne sort pas totalement indemne.


De Laurent Gaudé
Mise en scène Stanislas Nordey

Voir les autres évènements pour : Théâtre