Les Bonnes
- du 15/11/2005 au 19/11/2005
TEXTE
Jean Genet
MISE EN SCÈNE
Bruno Boëglin
AVEC
Judith Henry
Odile Lauriia
Joöelle Sevilla
Les Bonnes, ou le destin mortel de deux sœurs porté sur la scène de l’Athénée en 1947 par Louis Jouvet, là où tous, public et critique, voient alors un fait divers qui secoua la France en 1933. En l’absence de Madame, Solange joue le rôle de Claire, tandis que cette dernière incarne la maîtresse haïe. Chaque soir elles mettent en scène le crime de Madame, jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la perte de soi.
Double je(u)
Genet ouvre sa pièce sur la facticité du jeu des bonnes, la “cérémonie” : ce théâtre dans le théâtre donne à voir des personnages condamnés à jouer un rôle et qui, prisonniers du regard de l’autre - altérité autant désirée que détestée - rêvent douloureusement leur reconnaissance par le crime. L’auteur a toujours été fasciné par les figures du vice, marginales, comme le sont les grands criminels : il avait, par exemple, déjà célébré Eugène Weidmann - dernier condamné à mort exécuté en public en 1938 - dans Notre-Dame-des-Fleurs, comme il légitimait la fascination populaire pour le fait divers sanglant dans Querelle de Brest – “C’est peut-être ce don de produire un miracle par un simple coup de couteau, qui surprend la foule, l’alarme, l’excite, et la rend jalouse d’une pareille gloire”.
Et pourtant Genet nie avoir été inspiré du fait divers du Mans, celui des sœurs Papin, qui le 2 février 1933, assassinaient leur patronne dans des circonstances effroyables. C’est donc la critique qui se charge d’établir ce rapport. Jean-Paul Sartre, dans sa biographie de l’auteur, affirme ainsi sans hésitation : “Bien sûr, Genet n’a pas inventé de toutes pièces ces sœurs criminelles; le lecteur aura reconnu Claire et Solange : ce sont les sœurs Papin”.
Pour la deuxième année consécutive, sur l’idée première de Philippe Faure, Bruno Boëglin nous offre son regard singulier et limpide sur cette œuvre complexe. Le metteur en scène lyonnais se sent proche de l’univers cérémonial des Bonnes - “le plus extraordinaire exemple de ces tourniquets d’être et d’apparence, d’imaginaire et de réalité” disait Genet - de ce monde de la transgression perpétuelle. Les formidables Judith Henry et Odille Lauria prêtent donc leur corps à celles qui jouent à tuer leur maîtresse, incarnée quant à elle, avec panache et décalage, par Boëglin lui-même.
Les bonnes voient l’espace carcéral qui leur est imparti contaminé par leurs fantasmes, incapables d’établir, face à Madame comme en son absence, une frontière visible entre le jeu et la réalité. Tout en finesse et en fragilité, Boëglin orchestre dans l’épure cette danse macabre, un regard sur ces corps grotesques en perte d’identité et d’amour, de l’aliénation à la mort. Une perle de sobriété et de beauté.
renseignements :DURÉE:1H25
horaires :mardi 15 novembre 20h30
mercredi 16 novembre 19h30
jeudi 17 novembre 19h30
vendredi 18 novembre 20h30
samedi 19 novembre 20h30
tarifs :22 €
18 € : Étudiants -28 ans,
CEe, +65 ans, familles, groupes de 10
15 € : Demandeurs d’emploi, -20 ans
M’ra (carte Rhône-Aalpes +), Pass Culture
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