Le Jeu de l’amour et du hasard

Silvia et Dorante sont promis l’un à l’autre par leurs pères respectifs et vont être officiellement présentés. Comment savoir alors si un inconnu est digne d’être celui, celle, à qui l’on va s’abandonner aveuglément ? Silvia décide de prendre temporairement l’identité de sa bonne Lisette afin d’observer son futur époux à loisir. Mais celui-ci a la même idée avec son valet Arlequin…


Faux-semblants
Philippe Faure, auteur lui-même, voue à la langue de Marivaux une admiration sans faille. Poète lumineux, à la verve fougueuse, à la fragilité touchante, capable de l’humour le plus incisif comme de la délicatesse la plus pudique, Marivaux insuffle au langage – si souvent amoureux – une modernité et une subtilité étonnantes. Le père d’un “marivaudage”, longtemps tenu comme péjoratif, n’a pas eu la reconnaissance méritée de son vivant : malgré le succès public du Jeu de l’amour…, présenté pour la première fois le 23 janvier 1730, il fut longtemps considéré comme un auteur mineur par ses contemporains. Aujourd’hui, Philippe Faure contribue à perdurer l’hommage qui lui est rendu depuis près d’un siècle et fait entendre comme jamais le texte savoureux que l’auteur avait écrit pour sa troupe préférée, les Comédiens-Italiens. Epurée, sobre, sa mise en scène souligne subtilement les enjeux cruels et cruciaux de cette mascarade amoureuse, comme elle ramène inévitablement le personnage de Marivaux à l’épreuve à laquelle il doit toujours faire face : celle qui l’oppose à l’autre comme à lui-même, dans la difficile acceptation de ses désirs.

Sur le plateau débarrassé de ses futilités, reflétant l’image agitée de chacun, les deux couples de valets et maîtres luttent avec les apparences, l’imposture, le mensonge, luttent pour tenter de gommer le décalage entre ce qu’ils feignent d’être et ce qu’ils sont. Arlequin et Lisette s’aiment au premier coup d’œil, se délectent en imaginant que l’autre est d’une condition supérieure, tandis que c’est tout le corps de Silvia qui refuse de s’abandonner à celui qu’elle pense domestique. Une union charnelle, explosive, l’autre méfiante, plus distante, pour en arriver à la vérité salvatrice. “Je sais bien en gros que les hommes sont faux ; que dans chaque homme il y en a deux, pour ainsi dire, l’un qui se montre, et l’autre qui se cache. Celui qui se montre, voilà le mien aujourd’hui ; voilà celui avec qui je dois vivre. […] L’éternité des temps n’est pas toute consacrée au mensonge” : Marivaux porte ses personnages vers la domination de leur peur, d’aimer, d’être aimés, et Philippe Faure fait de ce passage, de ce défi, un moment de grâce, d’humour et de finesse.





TEXTE
Marivaux
MISE EN SCENE
Philippe Faure

AVEC
Mahaut d’Arthuys
Jérémie Chaplain
Anne Girouard
alexandre lachaux
Charles Joris
François Rabette

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