La petite insomnie

Nicolas Ramond nous invite à plonger dans ses rêves et cauchemars, ceux d’un metteur en scène qui doit travailler sur La Thébaïde de Racine avec seulement deux comédiennes et qui répéterait sans cesse la même scène. Aux ingrédients de la tragédie se mêlent gaiement ceux des autres arts de la scène : du rire aux fantasmes les plus fous, c’est chacun de nous qui est replongé dans l’univers intriguant de ses nuits.


A dormir debout...
La Thébaïde n’est certes pas la tragédie la plus populaire de Jean Racine, et rassurons-nous, il n’est pas nécessaire de connaître son classique sur le bout des doigts pour apprécier l’exploration onirique de la compagnie Les Transformateurs. Les éléments du texte mixés à l’infini par Nicolas Ramond et ses acolytes concernent principalement des références mythologiques : sur scène paraissent et disparaissent ainsi Antigone, ceux qui lui ont donné incestueusement naissance, Jocaste et Œdipe, feu roi de Thèbes, ainsi que ses deux frères Étéocle et Polynice qui se livrent une lutte sanglante pour le pouvoir. Ces personnages-ci deviennent partie intégrante du cauchemar du metteur en scène, dans lequel le public se trouve brutalement projeté : “C’est ma troisième nuit d’insomnie. Je m’endors, mais je me réveille au bout d’une heure comme si j’avais posé ma tête dans un mauvais trou”.

Juxtaposition déstructurée de séquences, kaléidoscope sensitif et visuel, La petite insomnie, née après deux années de travail et de recherches, est une traversée étonnante, ludique, un miroir inventif de l’inconscient, à la frontière du rire et de l’émotion. Pour entreprendre ce voyage et figurer cet apparent désordre, Les Transformateurs en appellent autant au théâtre qu’à la vidéo, la musique, les marionnettes, l’acrobatie ou la langue des signes. Aucun des arts de la scène n’est lésé : tous sont exploités avec force, comme en témoignent les prestations des habituels collaborateurs de Nicolas Ramond, la voix éclairante d’Emma Utgès, la maîtrise du corps surprenante de David Soubies ou le jeu nuancé d’Anne de Boissy. D’un extraordinaire combat de marionnettes nipponnes à une ballade pop, le spectacle crée une ambiance inédite, imagine avec légèreté et énergie ce coin étranger de nos esprits endormis. Le théâtre n’est pas comme la vie, le rêve non plus, et entre les deux il y a ces spectacles, comme La petite insomnie, qui font d’une scène un espace onirique aux mille possibilités. Magique.



MISE EN SCENE
Nicolas Ramond

AVEC
Anne de Boissy
Frédéric Dubois
Justine Hermand-Priquet
Pierre Jacob
Patricia Mazoyer
Nicolas Ramond
David Soubis
Emma Utgès

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