de Molière
mise en scène Lukas Hemleb
avec la troupe de la comédie-française
Elle a cent fois raison, elle aime rire et le monde, séduire qui l’approche et jouir de l’instant, décocher son esprit, remporter la victoire, elle brille à la Cour, électrise les salons, elle glisse sur les choses, déboutonne les mots, n’en goûte avec ivresse que la divine écume. Rien ne l’insupporte plus, rien ne la fascine plus que cet « amour grondeur » d’Alceste, excessif et noir. Belle et moqueuse, Célimène embrase son misanthrope sans parvenir pourtant à entamer son intégrité jalouse. Contre le jeu des apparences, il impose franchise et honneur, il dénonce les grimaces mondaines, les méchants camouflés sous les bonnes manières, l’industrie perverse des opportunistes, les lettrés de pacotille. Il perce les hommes à jour et dit à chacun son fait. Il ne comprend que l’amitié d’eau claire et la passion d’or pur, préfère le désert au compromis. Il a cent fois raison. Comme des amants contraires, Alceste et Célimène s’attirent et se repoussent. Les forces qui les habitent bousculent l’ordre tiède de leur entourage ; ils se reconnaissent mutuellement dans leur liberté de ton, de parole. Nul ne sort indemne de leur conversation, les flèches de l’une valant bien les vérités de l’autre. La prude Arsinoé et les petits marquis, abasourdis, quittent une partie dont les enjeux leur échappent. C’est que brûle en sous-main une ardeur trop rare.
Grande salle