Evènement associé : Jazz à Vienne 2008Sonny Rollins
Le Colosse (près de Rhode... Island) revient au théâtre antique. Pour faire suite à son fabuleux, à son généreux concert de 2006, le maestro du ténor arrive de son New-York natal et va cette fois sur ses 78 ans !
Depuis le traumatisme du 11 septembre 2001, Rollins ne vit plus à Manhattan. Il habite Germantown, une petite ville au nord de Big Apple. «Je ne sors plus ; je ne joue pas au golf, je ne vais pas aux concerts... Je pratique mon yoga au quotidien. Je vis en reclus, j'ai envie de rester seul. Je ne vois plus d'intérêt à faire ce que font tous les autres». Encore moins depuis qu'il a perdu Lucille, son épouse adorée, sa muse et conseillère de plus de trente ans.
Désormais, le seul compagnon de l'artiste blanchi sous le harnais est cet instrument aux ors mats, ce sax usé d'avoir tant bourlingué, d'avoir connu tant d'éruptions sous les doigts du kid de Sugar Hill (New-York). Aujourd'hui, le vieux rebelle qui composa en 1958 «The Freedom Suite», véritable manifeste des droits civiques, n'a pourtant rien perdu de son esprit contestataire. Même s'il a mis une dose de spiritualité orientale dans son jazz comme dans sa vie, Sonny Rollins fulmine toujours. Il fustige ici «un complot pour abrutir le pays», là le racisme toujours à l'œuvre, et s'en prend pour finir, lui qui se dit «intensément religieux» (tendance bouddhiste), à la religion frelatée de l'Amérique d'aujourd'hui.
En 60 ans de carrière, Rollins aura fait couler des tonnes de lave et déversé des cascades d'eau fraîche du pavillon de son ténor. Au cours d'un parcours insatiable, fougueux et zigzagant, Sonny aura notamment tropicalisé son souffle tellurique au soleil du calypso (les tubes Don't Stop the Carnival et St Thomas). Depuis le mythique «Saxophone Colossus» (1956), depuis le mémorable «Tenor Madness» en compagnie de John Coltrane la même année, ou depuis «The Bridge», formidable album qui marque en 61 son retour d'une longue retraite volontaire, son aura n'a jamais cessé d'irradier en scène.
Le Colosse revient donc.
Pour cette légende vivante, jouer du saxophone semble devenu plus que jamais vital. «Jouer est quelque chose de sacré, que je ne prends pas à la légère... C'est un don du Créateur qui m'a totalement transformé. Quand j'étais jeune, j'ai pu me montrer arrogant. A présent, je suis inquiet avant chaque concert, car j'en ai donné de mauvais, et j'en donne encore... Il me faut pratiquer chaque jour !». Il y a deux ans à Vienne, Sonny Rollins le perfectionniste déversait trois heures durant un magma de sons et de rythmes fiers. Et le public épaté d'en redemander encore !
