Les Forêts construisent dans l'espace d'exposition un panorama fragmenté dont les morceaux oscillent entre réel et fiction. Les images, instables, tendent à matérialiser cette tension, ce point de rupture, multipliant les collisions et les accès de lecture. Les "Troncs", suite de gravures sur bois de grand format (1,20 m x 1,60 m) imprimées puis rehaussées par des interventions monotypes ou dessinées, forment la structure, l'ossature sur laquelle se greffent impressions numériques et lithographiques. Il s'agit de dix variations autour de la même matrice, les états deviennent les séquences d'une métamorphose en cours. La dualité des techniques utilisées, photographie et dessin, où la froideur du grain numérique vient contraster avec l'énergie d'une trace humaine, témoigne de l'ambiguïté de l'espace imaginaire ainsi construit. L'arbre isolé, et plus encore le tronc, affirmant sa verticalité, agit comme un repère qui stabilise la vision, l'existence. Mais la ligne prolifère, induisant une vibration propice à l'égarement, à la dérive. Les panoramas, jouant sur la répétition du motif et générant un tremblement de la vision troublent la progression. Les chemins se révèlent multiples, et l'espace étrange.
"Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.
Ah dire ce qu'elle était est chose dure
cette forêt féroce et âpre et forte
qui ranime la peur dans la pensée ! "
Dante, Chant I, L'Enfer, La Divine Comédie