"Après L'Arbre et Yaël Tautavel ou l'enfance de l'art, pièces habitées d'une douce poésie, Nino D'Introna nous donne une sacrée secousse en mettant en scène Jojo au bord du monde. Cette fois, le héros imaginé par Stéphane Jaubertie (auteur de Yaël Tautavel aussi) est un enfant livré à lui-même, perdu dans ses rêves, qui se heurte à la réalité cynique et dramatique de la vie. Sa rencontre avec deux fées des temps modernes, la jeune Anita qui touche le RMI (Revenu Magique d'Insertion) et sa vieille mère Jilette qui perd complètement la tête, va jouer le rôle d'accélérateur de croissance...
Chargé de veiller sur cette mémé attendrissante qui disparaît soudain, l'enfant va devoir affronter la forêt de la Grande Peur et ses habitants inquiétants. Il y croisera des héros déglingués comme le Petit Poucet qui a mal tourné, Blanche-Neige devenue boulimique, Batman qui ne parle qu'en citant Léo Ferré et un couple de Dupond qui aimerait bien se marier, tous suivis dans une clinique spécialisée. Au terme de cette quête initiatique, Jojo trouvera Jilette là où elle est venue se réfugier : dans son petit coeur à lui. Cette passeuse de vie lui donnera alors le courage et l'amour nécessaires pour devenir grand.
Glissant du réel à l'imaginaire, de l'émotion vive au pur délire, la pièce aborde des thèmes sensibles avec un humour souvent grinçant. Pour accompagner ce va et vient entre deux mondes, les intermèdes ont été confiés au chorégraphe Mourad Merzouki. Porté par des comédiens formidables (Jean-Erns Marie-Louise et Chris Sahm forment un duo poignant), ce texte qui recèle bien des niveaux de lecture, est livré dans un bel écrin de sentiments par le metteur en scène, qui prouve une fois de plus toute la force du théâtre intergénérationnel.
A l'image de la vie, cette pièce qui nous bouscule entre deux éclats de rire pose une question essentielle : et nous, qu'abritons-nous au fond de notre coeur ? " Blandine Dauvilaire