Tartuffe, faux dévot hypocrite, a assis son emprise sur les esprits d'Orgon et de sa mère Madame Pernelle. Directeur de consciences prompt à donner des leçons qu'il est le dernier à suivre, il se voit promettre par son protecteur la main de sa fille, Marianne, pourtant amoureuse de Valère. Cela n'empêche pas Tartuffe de convoiter en même temps la jeune épouse d'Orgon, Elmire. Celle-ci ourdit un stratagème afin de démasquer Tartuffe...
Pour moi la question religieuse n'est pas au centre, ni même le moteur originel de ce que nous raconte Molière. Le propos et l'interrogation se situent sur la famille, le «clan», cette grande marmite où bouillonnent toutes les projections et exacerbations émotionnelles.
Dès lors, on ne peut s'empêcher de relever de nombreuses similitudes avec le film de Renoir Boudu sauvé des eaux : dans les deux histoires, l'âme du généreux bienfaiteur est parcourue d'une fêlure étrange qui s'oppose au sens commun et à la conduite enseignée par le bon ordre social. Le regard d'Orgon sur Tartuffe, comme celui de Lestinguois sur Boudu, défie la raison et s'abandonne à un amour chrétien tellement hors du sens qu'il aura pour effet de dérégler totalement un univers trop bien ordonné, et de rendre cocu le maître de maison avant de précipiter sa ruine.
Philippe Clément