Ballet de l'Opéra de Lyon
À l'égal de Dom Juan de Molière ou de la Bérénice de Racine pour le théâtre classique, Giselle est la référence du ballet romantique. Créé en 1841 à l'Opéra de Paris, il réunit tous les éléments du nouveau courant esthétique et philosophique qui parcourt la première moitié du XIXe siècle: le rêve et le fantastique ont alors envahi la littérature, le théâtre, l'opéra et la danse pour s'opposer au monde réel, par trop matérialiste. Et le bonheur terrestre s'avérant un idéal inaccessible, l'amour - comme l'art - a le pouvoir de transcender la mort. Ainsi la pauvre Giselle, séduite par un grand seigneur, plus inconséquent que méchant homme, mourra de douleur en découvrant le mensonge dont elle a été l'objet. Devenue un esprit surnaturel hantant l'au-delà, elle pardonnera et défendra son prince envers et contre tous, lui sauvant la vie. La chorégraphie traditionnelle de Giselle a encore cela d'étonnant qu'elle sait traduire par la danse les mouvements psychologiques des personnages, comme si le sentiment intérieur conduisait les pas. Le suédois Mats Ek, dans sa "relecture" de Giselle- en 1982 pour le Ballet Cullberg, à Stockholm - aura eu l'audace de pousser au paroxysme ce qui était déjà latent. Gardant le "scénario" d'origine (le livret écrit par Théophile Gautier) et la musique d'Adolphe Adam, Mats Ek accentue le tragique de la situation, faisant de Giselle la demeurée du village, abusée par un Don Juan venu de la ville passer un bon moment avec ses copains. Ebranlée, elle perd la raison. Elle n'en mourra pas, mais finira dans un asile psychiatrique : les voiles et les tutus longs de Wilis font place aux blouses d'infirmière et aux camisoles de force. Hilarion, l'ami d'enfance, n'abandonnant pas Giselle, essaiera de la ramener à la réalité. En vain! L'esprit de la jeune femme a quitté définitivement ce monde. Albrecht, le play-boy suborneur, très attiré par cette créature "différente" de son entourage frivole, viendra retrouver Giselle à l'hôpital. Séjour initiatique qui l'ouvrira à une autre vie : l'amour de Giselle lui aura fait découvrir la vanité des choses et la vérité du coeur. La transposition de Mats Ek n'a rien de factice : mise en scène visionnaire, dont la violence et l'expressionnisme moderne nous touchent profondément.
Créé par le Ballet Cullberg en 1982
Chorégraphie
Mats Ek
Musique
Adolphe Adam
Scénographie et costumes
Marie-Louise Ekman