Le Tribun ou «Dix marches et neuf contretemps pour manquer la victoire»
Aujourd'hui où de nombreux discours politiques posent la question de la limite entre la propagande et la conviction, la pièce de Maurizio Kagel semble un écho ironique et salutaire. Un orateur politique tient meeting avec le renfort d'un orchestre de fanfare essoufflé. Répétition ? Oui, si l'on en croit les réactions préenregistrées de la foule dont il semble goûter les hourras. Ou vrai meeting ? Mais, alors que l'assemblée s'interroge, la fanfare militaire laisse échapper une plainte, une nostalgie de valse. L'orateur, joué par Bernard Bloch, se prend les pieds - ou plutôt la langue- dans son discours, versant quelques larmes sentimentales sur lui-même ou sur son peuple. Si les temps des Videla et autres Ceaucescu que dénonçait Kagel sont révolus, la propagande politique, bien que sous des formes plus consensuelles, semble ne s'être jamais aussi bien portée. Kagel, dans le Tribun avec son dispositif électro-acoustique et son texte malicieux, place sous la loupe les ressorts de tous les démagogues. Ce compositeur contemporain, chef d'orchestre et metteur en scène, argentin vivant en Allemagne, a principalement écrit du théâtre instrumental en renouvelant le matériau sonore. L'ensemble 2e2m sous la direction de Pierre Roullier sera mis en scène par Jean Lacornerie. Conjointement, en théâtre et musique, ils permettront à ce compositeur contemporain d'exprimer toute sa dimension profondément originale et contestataire.
Finale, deuxième partie de la soirée, est une pièce de théâtre instrumental ironique et pleine de vitalité, écrite par Kagel pour autocélébrer son cinquantième anniversaire. Elle met fin au règne du chef d'orchestre. Un contrepoint salutaire à l'avènement des commandeurs et des tribuns ?
Un diptyque de Maurizio Kagel
Direction musicale : Pierre Roullier
Mise en scène : Jean Lacornerie
Lumière : Laurent Queyrut
Interprètes : Ensemble 2e2m
Comédien : Bernard Bloch